On a estimé qu’au plus fort de la crise Ebola, 75 % des personnes contaminées étaient des femmes.Au vu de leur rôle prépondérant dans les soins et l’aide apportés aux malades, en tant qu’infirmières ou commerçantes, les femmes se sont retrouvées en première ligne face au virus, et de ce fait, ont souvent été rejetées par leur communauté. Trois ans après le début de la crise, Conciliation Resources et ses partenaires en Afrique de l’Ouest continuent de soutenir des plateformes de paix locales pour mettre fin aux divisions causées par l’épidémie.

Ruth Kabah, 20 ans, était enceinte de son deuxième enfant lorsque le virus Ebola a frappé sa communauté dans le district de Tewor au Libéria.Son mari ainsi que les parents et la sœur de ce dernier en sont morts :

J’habitais sous le même toit qu’eux et j’ai soigné mon mari avant qu’il ne soit transporté dans l’unité de soins d’Ebola où il est décédé.J’ai été au chevet de mon beau-père jusqu’à sa mort.Tout le monde pensait que j’allais mourir.

Le village a été placé sous quarantaine, et la restriction prolongée de 21 jours à chaque nouveau cas.C’est durant cette mise en quarantaine que Ruth a commencé à avoir des contractions :

Le personnel médical de ma communauté a refusé de me porter assistance.Des habitants ont eu pitié de moi et ont appelé une ambulance, mais une fois à l’hôpital, le personnel a refusé de me prendre en charge.Je suis restée dans l’ambulance : j’ai accouché toute seule, avec seulement ma mère à mes côtés.

La méconnaissance du virus Ebola et de ses modes de transmission a créé un climat de peur et de suspicion et a conduit à la mise au ban de leurs communautés d’innombrables individus, à l’instar de Ruth et de sa mère.

Dans le district de Tewor, ces dernières ont pu compter sur le soutien de la plateforme de district pour le dialogue (PDD).Établies et soutenues par Conciliation Resources et ses partenaires, ces plateformes sont des réseaux communautaires d’artisans de paix locaux dont la vocation est d’arbitrer les conflits et de leur trouver une issue pacifique.

Durant la crise Ebola, les PDD ont été pour de nombreuses communautés un lien vital avec l’extérieur.Ce que confirme Ruth :

Au départ, les membres de la PDD étaient les seuls à se rendre dans notre village.Ils ont commencé par nous informer sur la maladie et à nous apporter des vivres et du chlore.Ils sont venus nous voir régulièrement, nous parler et nous aider à régler nos tensions.Le virus Ebola ayant fait tellement de victimes dans ma famille, j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce que les membres de la PDD disaient.

Inspirée par leurs paroles, Ruth s’est mise à aller voir les gens de sa communauté, à les informer sur le virus et sur les moyens de gérer l’épidémie.Elle a aussi commencé à apaiser certaines des dissensions et à aider ceux qui, tout comme elle, avaient été rejetés :

Parce que l’infirmière de notre village avait refusé de me soigner quand j’étais malade, nombreux sont ceux qui ne voulaient plus d’elle au sein de notre communauté.Ils parlaient même de brûler la clinique. Avec l’aide de la PDD, j’ai fait en sorte de la réconcilier avec le reste de la population.Elle est désormais de retour au dispensaire où elle soigne les malades.

Le témoignage de Ruth met en lumière le rôle important que jouent les femmes artisans de paix en Afrique de l’Ouest et dans le reste du monde.En prenant part à des initiatives de paix communautaires telles que les plateformes de district pour le dialogue, ces femmes peuvent joindre et soutenir d’autres femmes dans leur communauté qui, autrement, n’auraient peut-être personne vers qui se tourner :

Ainsi autonomisée, je sens que je peux mieux contribuer à ma communauté et à l’avenir de mes enfants.