Les perspectives de paix en Afrique orientale et centrale doivent relever des défis de taille. Suite à la déclaration récente de l'Union africaine et de l’Organisation des Nations Unies de lancer une stratégie régionale (militaire) à l’encontre de la LRA ainsi qu’aux appels du public à l’escalade de la force, nous pensons, tout comme nos partenaires locaux, que les interventions doivent se concentrer sur la protection des civils dans la région.

Les décideurs politiques doivent écouter les opinions des populations locales

Si aucun plan véritable n’est mis en place pour assurer la protection des civils, les personnes vivant dans les pays touchés par la LRA craignent que la vie d’enfants innocents, d’hommes et de femmes continue d’être compromise par les représailles de la LRA.

Tout en nous félicitant de la mise en œuvre d'une stratégie régionale pour contrer la menace posée par la LRA en République démocratique du Congo, au Sud-Soudan et en République centrafricaine, nous soulignons, néanmoins, l'importance de certains éléments clés.

Il faut faire le maximum pour empêcher l’apparition de nouvelles vagues de violence et élaborer une stratégie globale, qui réponde aux besoins sécuritaires à court terme et à la nécessité à moyen et long terme de s’attaquer aux causes d'instabilité dans la région.

Enseignements tirés du passé

Si pour de nombreux observateurs, une réponse militaire semble la seule option viable, cette approche n’a jamais réussi à vaincre la LRA ces 25 dernières années. Et elle risque d’échouer de nouveau si ses responsables ne tirent pas les enseignements suivants du passé :

  • (I) Les factions de la LRA se composent principalement d'enfants-soldats recrutés de force et comprennent deux fois plus de civils (femmes et jeunes enfants) que de combattants. Tous cohabitent ensemble. Une offensive militaire contre les groupes de la LRA ne permet pas de distinguer les combattants des non combattants, ce qui ne peut qu’entraîner la mort de victimes innocentes.
     
  • (Ii) Sous pression, les membres de la LRA sont connus pour lancer des représailles envers des cibles faciles. La protection des civils contre les attaques, les enlèvements, les meurtres et les pillages doit être l'objectif principal de toute présence militaire.


Que se passera-t-il si l'intervention militaire échoue, s’il y a d’autres massacres et enlèvements de masse ? Qui est responsable ?

Père Ernest Sugule, chef de la communauté, Dungu, RDC
 

  • (iii) Les armées de la région affichent un respect discutable des droits de l’homme et sont craintes par les populations qu'elles doivent protéger. L'intervention militaire actuelle, qui repose sur le déploiement d’armées nationales, ne peut que conduire à de nouvelles violences si aucun mécanisme incluant des mesures de protection n’est mis en place. À qui les forces régionales en réfèrent-elles en cas d’acte répréhensible ?
     
  • (iv) Les décideurs politiques doivent écouter et comprendre les opinions des populations locales sur le conflit. Les décisions prises par les responsables politiques occidentaux touchent des centaines de milliers de personnes dans trois pays différents. À qui ces décideurs politiques doivent-ils rendre des comptes ? Aux utilisateurs de Facebook ? Aux citoyens occidentaux ou à ces mêmes personnes qui sont victimes de violence ?

Donner la priorité à la protection des civils

Conciliation Resources travaille avec les communautés touchées par le conflit de la LRA depuis 15 ans. CR est en contact régulier avec les populations dans la région. Les messages clés des organisations de la société civile qui représentent les communautés locales sont les suivants :

  • Il est irresponsable d'intensifier les opérations militaires en pleine crise humanitaire. Tous les acteurs impliqués dans les zones touchées par la LRA, que ce soit des militaires, des humanitaires ou des défenseurs des droits de l’homme, s’accordent à dire qu’ils ne peuvent pas accéder à la plupart des zones touchées par le conflit. La distribution de l'aide reste insuffisante pour répondre aux besoins de la population et les défis sont nombreux.
     
  • Les opérations militaires menacent l'impact du travail accompli par l'ONU, les organisations de la société civile (OSC) et les agences internationales et risquent d'accroître la détresse de la population. L’ONU fait preuve d'innovation et d’enthousiasme pour mettre en place des interventions non militaires face au conflit. Et ce malgré un environnement très difficile. L’accent mis sur la protection de l'enfance, le réseau des radios, ainsi que les programmes de promotion du désarmement, de la démobilisation et de la réhabilitation représentent quelques unes des étapes importantes vers une issue pacifique au conflit et la réinsertion des victimes. Il est toutefois nécessaire de tirer des enseignements des difficultés rencontrées par chacun de ces programmes.
     
  • Une stratégie globale pour lutter contre la menace que représente la LRA doit comporter deux volets :

Une stratégie à court terme permettant d'assurer la protection des civils, l'accès de l’aide humanitaire et la distribution de services à la population.

Une stratégie à moyen terme axée sur le développement politique et l'engagement de la pacification.

La présence de la LRA demeure la cause principale de la violence et de l'insécurité. Mais la LRA ne constitue pas la seule menace et une stratégie globale doit intégrer toutes les dimensions du conflit : l'incapacité des États à combler le vide sécuritaire, ainsi que les tensions politiques entre les pays de la région, qui alimentent l'insécurité et le ressentiment et font le lit de la LRA.

En tant que membres de la communauté locale, les organisations de la société civile et les artisans de la paix de la région ont une idée assez précise des facteurs de ce conflit.

Les populations locales ont une expérience de première main des effets d'une escalade de la force dans le conflit armé. Leurs opinions doivent être écoutées et comprises.
 

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