Dix organisations locales et internationales affirment ce mardi 24 avril qu'une nouvelle action militaire contre l'Armée de résistance du Seigneur (LRA, Lord's Resistance Army) risque d'avoir une fois encore des conséquences dévastatrices pour les populations locales de la République démocratique du Congo (RDC), de la République centrafricaine (RCA) et du Sud-Soudan si rien n'est fait pour protéger les civils et prévenir les représailles de la part de l'un des groupes rebelles les plus violents d'Afrique.

 
Alors que le monde porte plus que jamais son regard sur la LRA et que la force conjointe des Nations unies et de l'Union africaine se prépare à lancer une nouvelle offensive forte de 5 000 soldats, les habitants des régions où sévit la LRA redoutent chaque jour davantage les conséquences pour leurs communautés isolées d'Afrique centrale. Les ONG, dont Oxfam et Conciliation Resources, ont lancé aujourd'hui même un appel aux casques bleus pour qu'ils renforcent leurs opérations de protection des populations civiles tout en s'attaquant également aux causes profondes du conflit.
 
Sans rien résoudre, les tentatives précédentes visant à combattre militairement la LRA ont eu des conséquences catastrophiques pour les populations locales, entraînant des représailles contre les civils et dispersant les rebelles sur un périmètre bien plus vaste, leur donnant ainsi l'occasion de cibler encore plus de villages isolés. Selon les organisations qui travaillent auprès des communautés, les populations de la RDC, de la RCA et du Sud-Soudan continuent de craindre pour leur vie. Pour le seul premier trimestre 2012, l'ONU a enregistré 33 attaques dans deux provinces de la RDC au cours desquelles trois personnes ont été tuées et 16 enfants et 35 adultes enlevés. Les organisations locales qui travaillent dans les zones concernées préviennent que le nombre de morts et d'enlèvements risque d'augmenter après le lancement de l'opération conjointe.
 
Au cours des trois semaines suivant le réveillon de Noël 2008, 865 femmes, hommes et enfants ont été tués et des centaines d'autres enlevés en RDC et au Sud-Soudan au cours d'attaques meurtrières. Il s'agissait d'une action de représailles contre l'opération "Éclair de Tonnerre", une offensive militaire lancée par les armées de RDC, de l'Ouganda et du Sud-Soudan, avec l'appui des États-Unis, qui n'a pas pu éviter les pertes civiles.
 
" Nous doutons vraiment qu'une intervention militaire, quelle qu'elle soit, permette désormais de protéger toutes ces personnes contre les représailles de la LRA , affirme Ernest Sugule, président de l'organisation congolaise SAIPD. La LRA est un groupe armé principalement constitué de chefs militaires impitoyables et d'enfants enlevés et enrôlés de force. La nouvelle offensive militaire ne pourra pas faire la différence entre les combattants et les non-combattants et se traduira donc par de nouvelles pertes de vies innocentes." 
 
Sans une meilleure protection des civils et suite à la reprise des violences, les organisations humanitaires craignent que le nombre de personnes forcées de fuir de chez elles dans cette région ne dépasse le nombre de 440 000 actuellement.
 
"Des millions de personnes à travers l'Afrique centrale vivent constamment dans la hantise d'une attaque, affirme Olivia Kalis, responsable de la politique d'Oxfam au Congo. Après avoir subi des traumatismes psychologiques et vécu dans la terreur pendant des années, beaucoup ont aujourd'hui trop peur de cultiver leurs terres, d'aller à l'école ou de se rendre au marché. Même des incidents mineurs ou le simple fait d'apercevoir des soldats de la LRA peut pousser les habitants à fuir. C'est pourquoi le renforcement de la sécurité des villages isolés permettra non seulement de réduire les 
risques pour les populations, mais aussi de limiter les conséquences humanitaires et à long terme du conflit." 
 
Les organisations ont également appelé les forces de maintien de la paix de l'ONU à patrouiller activement les zones qui risquent d'être attaquées et à renforcer leur action visant à encourager les rebelles à quitter la LRA, une stratégie qui a déjà fait ses preuves et que les communautés locales considèrent souvent comme une clé du conflit. Toute stratégie mise en place dans la région devrait prendre en compte le point de vue des communautés touchées, et plus particulièrement des femmes, les principales victimes du conflit.
 
À long terme, les communautés ont besoin d'une force nationale de sécurité qui soit responsable, bien formée et bien équipée. Dans la région, les droits humains ont été bafoués non seulement par la LRA, mais aussi par les armées. Prévenir les violences contre les populations locales implique de s'engager à réformer l'armée, à rendre des comptes aux communautés touchées et à développer les régions isolées. 
 
Selon Anne Street, analyste humanitaire pour la Cafod, "tant que les personnes ayant fui la LRA ne bénéficieront pas d'un soutien et d'une protection accrus et que la réintégration des anciens
combattants dans les communautés ne sera pas une priorité, il n'y aura ni paix ni réconciliation dans la région. Une approche uniquement militaire mettra des innocents dans une situation très dangereuse. Nous ne pouvons pas nous permettre, sur le plan humanitaire, de voir des centaines de milliers d'autres personnes fuir leur maison, perdre leurs moyens de subsistance et devenir dépendantes de l'assistance humanitaire. Au contraire, il nous faut un processus de justice, de réhabilitation et de développement qui apportera une paix durable dans la région."